La rencontre entre la femme de glace et le chien... [Nina et Peter]

La rencontre entre la femme de glace et le chien.

« Je vais pas plus loin m'sieu. C'est des cinglés là dedans. » M'informe le chauffeur du taxi qui m'emmène jusque devant la prison. Je le fixe à travers le rétroviseur, ne comprenant pas. Comme si j'étais sourd, il répète plus fort sa phrase, je soupire et me résigne à ouvrir la porte de la portière arrière. Normalement, il aurait dut m'amener jusque devant la grille. Il reste encore un bon kilomètre avant d'arriver là. Je soupire et sort mon unique valise du coffre, bien trop soumis. Il parait que c'est une qualité qu'il faut avoir lorsqu'on est secrétaire. Haha, quelle chance, je suis un véritable labrador prêt à rapporter le bâton... Que voulez vous ? Je suis un homme tellement croulé sous les dettes qu'il ne pourra jamais se relever sans des séquelles sur sa colonne vertébrale.
« Courage grand frère ! ». Les paroles d'encouragement de Cléo résonne dans mon esprit, je mord ma lèvre inférieure en regardant le taxi s'éloigner au loin. Je me met donc en marche. Pour une fois, j'avais pris le temps de soigner ma présentation et avait avec grand soin revêtu une chemise accompagnée d'une cravate assortie à mes yeux, un pantalon large et mes plus belles chaussures, elles appartenaient à mon père. Ma tante m'avait cent fois répété d'être présentable, et également de faire attention à moi.

Je déglutis en observant l'immense portail aux crochets effrayants levés vers le ciel gris. Je passais bien quelques minutes sans savoir quoi faire, partagé entre la peur et la curiosité. Je suis loin d'être trouillard, bien plus courageux que certains gars aux muscles puissants mais n'importe qui de normalement constitué se serrait littéralement pissé dessus en apercevant même de loin cet endroit digne des pires films d'horreur. Je vérifie que mon pantalon était bien sec, il l'est et je me décide enfin à sonner pour qu'on puisse ouvrir les puissantes grilles. Il y a une musique d'attente des plus ridicule puis la voix grave d'un surveillant se fait entendre. Je me racle la gorge et parle d'une voix exagérément grave pour mon gabarie.
« Bonjour. Je suis Peter Limestone, le nouveau secrétaire. J'ai rendez vous avec mademoiselle Hardness... » Le garde observe l'écran et lâche un ricanement des plus désagréable, bien caché derrière une épaisse paire de lunettes noires et écrase sa cigarette avant de répondre. « Haha ! Tu viens voir l’œil de glace ? Bonne chance p'tit gars, c'est une vraie harpie ! ». Il ricane à nouveau et j'entends un claquement des plus affolant à coté de moi. L'immense grille s'ouvre en grinçant. Les rayons du soleil se reflètent dans l'acier du portail, créant un effet des plus effrayants. Je fixe toute cette scène avec de grands yeux, sans pouvoir vraiment réagir. Je pose une main sur mon crane, l'estomac noué je reprend ma route. Enfin je franchis la limite du monde normal, pour entrer dans un véritable Enfer. La grille se referme derrière moi et j'entends des cris provenant du bâtiment en face de moi. Je pâlis et inspire plusieurs fois de l'air dans mes poumons avant de me diriger vers la tour droite, celle réservée aux membres du personnels. Je grimpe les quelques centaines de marche pour accéder à la porte en acier du bureau de mademoiselle Hardness. Son nom est écris en lettre argentée. Je le lis plusieurs fois, comme si ça pouvais m'aider et toque. L'Enfer ne fait que commencer..

Directrice vénérée Messages : 42 Date d'inscription : 26/12/2012

Le téléphone du bureau sonna . Je pris mon temps avant de répondre (une directrice se devait de sembler très occupée, même quand elle ne l'était pas).

-Allô ?
-Mlle Hardness ? Je suis le gardien de l'entrée. Je vous préviens que le nouveau secrétaire m'a demandé à entrer, et qu'il est en ce moment même sur le chemin amenant à votre bureau.
-Merci Jack. Je vais le recevoir.

Je coupais la communication. Je me levais de mon bureau, et me précipitais devant le miroir. Je lissais quelques mèches rebelles, essuyait une trace de rouge à lèvre qui débordait de la commissure de mes lèvres. Je me fis l'effet d'une véritable idiote. Quel était donc l'intérêt de me pomponner ainsi ? Je n'avais à plaire à personne, surtout pas à un secrétaire, censé être à mes ordres ! Cependant , cela faisait si longtemps que je n'avais pas ressenti l'excitation de flirter avec un homme... Une fois de plus, la moue triste de ma bouche me consterna.
"Reprend toi, Nina, reprend toi !" ne cessais-je de me répéter. J'allais donc me rasseoir à mon bureau, et laissais virevolter mes pensées du côté du nouvel arrivant qui n'allait pas tarder à toquer à ma porte, sans aucun doute intimidé. Il connaissait inévitablement ma réputation, j'étais persuadée que le gardien avait déjà lâché quelques mots sur mon compte. Il faudrait que je fasse taire ces bavardages dans mon dos.... Cependant, n'était ce pas la preuve que j'étais crainte ? Que n'oser plaisanter devant moi signifiait qu'on me respectait ? C'était ce qu'il fallait pour une directrice de prison de mon rang, j'aurais dû m'en réjouir. Mais j'étais si seule...

Quelques coups à la porte coupèrent net mes pensées mélancoliques. Je lançais d'une voix forte et que j’espérais froide et sérieuse :
-Entrez !

J'attendis ensuite que la porte s'ouvrit, persuadée que la personne qui allait entrer serait un jeune homme assez costaud pour travailler dans une prison, et assez expérimenté pour ne pas se laisser déborder. Sa tante me l'avait conseillé et m'en avait dis des merveilles. C'était d'après elle un garçon brillant, très débrouillard et qui avait plusieurs fois travaillé dans des prisons. Sa tante... J'avais confiance en cette femme et j'espérais ne pas être déçu du garçon qu'elle m'amenait. Je n'avais rien à craindre, son CV était excellent et largement à la hauteur de mes espérances. Sans compter que, si cet homme ne me convenait pas, il me suffirait de claquer des doigts pour le jeter et en trouver un autre. Un salaire comme celui là ne se refusait pas quand on savait à qui le proposer. S'il lui passait sous le nez, c'était son problème. Je n'avais pas à me faire d'état d'âme, je n'en avais pas le droit. Qui que soit l'homme qui allait entrer, aucune compassion et aucun rapprochement n'était possible. J'étais directrice de prison, pas d'une association caritative. Je répétais, d'une voix cette fois ci plus énervée :

-Entrez !!

La porte s'ouvrit enfin, tout doucement...

La rencontre entre la femme de glace et le chien.

« Entrez ! »

J’insuffle de l'air à mes poumons plusieurs fois, prenant de grandes bouffées. Pourtant l'air frai ne m’apaisent pas, et ma main tremble toujours sur la poignée de la porte. Je serre les dents, oppressant les de mon poignet pour essayer de le stabiliser. Mais rien n'y fait. La voix de cette femme est forte, sûre d'elle, je ne perçois aucune hésitation dans ses ordres. Et moi je tremble, comme un crétin. C'est vrai que j'ai peur, j'ai si peur. Mais pas de ces monstres à l'autre bous du bâtiments, ni des armes aux ceintures des gardes. Non, j'ai peur qu'on me renvoie à la seconde où je rentrerais. Autant le dire, ce poste est mon dernier espoir. Ma respiration se ferait presque tremblante, je presse mes paupières. Je ne peux pas renoncer, je ne peux pas faire marche arrière.

« Entrez !!! » Répète la voix, encore plus autoritaire.

Je sursaute brusquement et me presse d'abaisser vers le bas la poignet. Manquerait plus que je la mette en colère. Hum, l’œil de glace c'est ça ? Ce ne doit pas être une femme commode. Sûrement un garçon manqué avec le crane rasé, une moustache, des poils sous les bras et des dents jaunes. Ces drôles de femmes qui font peurs. Je ne vois pas comment une jolie femme pourrait diriger un endroit pareil de toute faç....

Oh putain. Qui est la femme qui se trouve assise à son bureau ? Dites moi que je rêve ! M...Mais... Elle est belle ! Elle a de longs cheveux corbeaux qui lui tombent sur les épaules, des yeux presque aussi bleus que les miens, un visage lisse et souple, des lèvres pulpeuses. Ses mains posées des deux cotés du bureau sont fines. Elle est pâle comme un lys, se tient droite, sa peau est comparable à du lait. Je l'observe, avec de grands yeux, mon bloc note dans la main, ma valise déposée à l’accueil (il parait qu'il faut éviter de l'amener dans le bureau). Je déglutis et m'approche, elle aussi me regarde fixement, avec des yeux ébahis. Elle devait surement attendre quelqu'un de... Fort...

« Bonjour madame Hardness. Je suis Peter Limestone, le nouveau secrétaire. » Lâchais-je d'une voix que je voulais forte et articulée. On reconnaissais de suite le fana de littérature.

Directrice vénérée Messages : 42 Date d'inscription : 26/12/2012

J'allais véritablement devoir m'en débarrasser... Qu'allait bien pouvoir faire ici ce gringalet ?! On était dans une prison, voyons !! Moi qui me préparais à l'arrivée d'un gars costaud, je ne pouvais qu'être déçue. L'homme devant moi ne l'était pas, et même pas du tout. Il était plutôt grand, mais assez fin, le corps élancé de muscles nerveux.
Après ce premier choc, je regardais ses yeux, et vit qu'il était aussi étonné que moi. Eh bien quoi ? A quoi s'attendait-il ? Je ne savais si je devais me sentir flattée ou vexée par son regard dévorant. Il ne s'attendait sans doute pas à ce qu'une femme aussi jeune que moi soit déjà directrice. Ni une femme aussi belle. Il est vrai qu'à sa place, j'aurais imaginé comme lui une femme bien moins féminine, et bien plus ... "vieille fille" ! A cette pensée, j'eus une envie de rire... Je sentis les plis de ma bouche se relever mais je me retins. "Oulala, Nina, concentre toi. Tiens ta réputation. Montre lui de quoi tu es capable !"
Je le fixais de nouveau glacialement, attendant qu'il se présente, ce qu'il ne tarda pas à faire (après s'être remit de son ébahissement) .

« Bonjour madame Hardness. Je suis Peter Limestone, le nouveau secrétaire. »

Là, j'éclatais franchement de rire. Puis me repris, une fois de plus. (Mes nerfs me lâchaient ces derniers temps...). Il avait une voix si peu impressionnante !! Malgré son irrésistible envie de paraitre fort, on voyait clairement qu'il était terrorisé. Et puis il m'avais appelé madame...

-C'est bien la première fois qu'on m'appelle madame ici, Peter. Mais vous avez raison. Ce n'est pas parce que je ne suis pas mariée, que je n'en suis pas moins une grande dame.

J'assenais cette phrase avec toute l'autorité dont je pouvais faire preuve. Ce garçon devait avoir le même âge que le mien... Il fallait absolument que je montre par ma prestance qu'ici, c'était moi la chef. Je repris donc :

-Et de plus, vous assenez directement que vous êtes le nouveau secrétaire ? Il me semble que c'est à moi de le décider. Pour l'instant, vous n'êtes rien ici. Rien-du-tout.

Je le laissais méditer cette phrase et me détournais de lui pour me concentrer. Ce jeune homme avait quelque chose... Tout d'abord, il avait quasiment les mêmes yeux que les miens, d'un bleu incroyable. Sauf que ses yeux à lui recelaient une étonnante douceur, contrairement aux miens... Il paraissait fragile, et incroyablement touchant. Il me faisait penser à mon petit frère, que j'avais tant chercher à protéger... Sa place n'était décidément pas ici. Rien qu'à son visage tendre, on voyait qu'il ne pouvait pas survivre dans une environnement de ce genre. J'en étais la preuve vivante. J'avais dû me forger un caractère de fer, une carapace des plus solides, pour montrer mon autorité, et ne pas me laisser toucher par les horreurs qui m'entourait . Je fermais les yeux un instant et me retournais. Il me fixait, semblant attendre mes paroles.

-Tout d'abord, vous êtes obligé de m’appeler "Mme la directrice" ou "Madame Hardness". Aucune intimité ou rapprochement n'est possible entre nous. Quant à moi, je vous appellerais Peter, ou toutou, ou bien doggy, si vous arrivez à rester ici plus d'une semaine. Car après tout, si vous réussissez à garder ce poste, c'est ce que vous deviendrez, un véritable chien ! Je vous préviens, vous n'êtes pas le premier à avoir postulé pour ce poste. Aucun n'a tenu. Ce n'est pas un endroit facile. Avant toute chose, il faut que vous me parliez de vous, je veux savoir si vous êtes capable de tenir dans un environnement aussi cinglé. Je vous écoute Peter. Savez vous que vous venez de débarquer droit en enfer, et que Satan ici, c'est moi ?!

La rencontre entre la femme de glace et le chien.

« C'est bien la première fois qu'on m'appelle madame ici, Peter. Mais vous avez raison. Ce n'est pas parce que je ne suis pas mariée, que je n'en suis pas moins une grande dame.Et de plus, vous assenez directement que vous êtes le nouveau secrétaire ? Il me semble que c'est à moi de le décider. Pour l'instant, vous n'êtes rien ici. Rien-du-tout. Tout d'abord, vous êtes obligé de m’appeler "Mme la directrice" ou "Madame Hardness". Aucune intimité ou rapprochement n'est possible entre nous. Quant à moi, je vous appellerais Peter, ou toutou, ou bien doggy, si vous arrivez à rester ici plus d'une semaine. Car après tout, si vous réussissez à garder ce poste, c'est ce que vous deviendrez, un véritable chien ! Je vous préviens, vous n'êtes pas le premier à avoir postulé pour ce poste. Aucun n'a tenu. Ce n'est pas un endroit facile. Avant toute chose, il faut que vous me parliez de vous, je veux savoir si vous êtes capable de tenir dans un environnement aussi cinglé. Je vous écoute Peter. Savez vous que vous venez de débarquer droit en enfer, et que Satan ici, c'est moi ?! »

Je ne sais pas pourquoi mais je souris. Je l'observe en souriant, mon petit bloc note dans la main. J'enfouis mon regard d'une couleur superbe au plus profond du sien. Je ne la quitte pas deux, c'est elle qui se détourne. Je suis peut être un gringalet mais je tâche d'être fort à l'intérieur. Je pense l'être vu ce que j'ai enduré avec ma famille. Un père alcoolique, une mère malade, des frères absents, une petite sœur fragile, le deuil d'un père, le combat entre la vie et la mort d'une mère. Tout ça a forgé en moi un caractère discret, dépourvu d'espoir mais le caractère d'un battant, qui chaque jour perd un peu plus de ses forces pour arriver en un but impossible. J'ai abandonné l'espoir de fonder une famille depuis bien longtemps. Les filles cherchent toutes quelqu'un de fort, musclé, beau. Je ne suis pas comme ça. Seule ma grandeur est à la hauteur de leurs attentes, un mètre quatre vingt trois, mais ce n'est pas suffisant. Il faut puer la sueur pour être adoré. Moi je pus juste les dettes et la malchance. Non, vraiment. Je ne suis pas fait pour ça.

« Oui, oui je l'ai bien compris. » Affirmais-je seulement, le regard toujours plongé dans le sien.

Directrice vénérée Messages : 42 Date d'inscription : 26/12/2012

Décidément, c'était quoi son problème à ce type ?! Je commençais à franchement bouillonner de l'intérieur. Non seulement il n'avait pas paru un instant intimidé par mes propos, lui qui paraissait si apeuré en entrant, mais en plus, il osait me fixer de son regard bleu pénétrant sans sembler aucunement gêné !

Quelque chose chez lui me dérangeait. Non pas le fait qu'il ne corresponde pas du tout au secrétaire que j'attendais, ou le fait qu'il ne soit pas aussi intimidé que je l'aurais voulu au premier abord. Non, c'était quelque chose de plus profond... La diffuse impression qu'avec lui j'aurais tendance à laisser ma véritable nature transparaître, ma douceur remonter... C'était quelque chose qu'il fallait que j'évite absolument. C'est en cela que Peter m'effrayait. De plus, il paraissait si usé par la vie... D'après l'audace dont il faisait preuve en à peine quelques minutes, j'aurais pu déjà le renvoyer, en affirmant ma cruauté. Mais quelque chose chez ce jeune homme m'en empêchait. Son attitude laissait entendre qu'il n'espérait plus rien de la vie, qu'il n'avait plus rien à prouver. C'était une bien triste chose pour un homme au début de sa vie.
Il me fixait toujours, et je n'eus d'autre choix que de lui indiquer de s’asseoir dans le fauteuil moelleux face à mon bureau. Je m'assis moi même, et dis d'une voix calme.

-Très bien Peter. Puisque vous savez où vous êtes tombez, je n'ai plus qu'à vous posez quelques questions. J'ai vu votre CV, qui me paraissait excellent. J'aimerais que vous me parliez des postes que vous avez exercé avant de venir ici.

Ce coup ci, c'était moi qui le fixait sans aucune gêne. Vas y doggy, voyons de quoi tu es capable.

La rencontre entre la femme de glace et le chien.

« Très bien Peter. Puisque vous savez où vous êtes tombez, je n'ai plus qu'à vous posez quelques questions. J'ai vu votre CV, qui me paraissait excellent. J'aimerais que vous me parliez des postes que vous avez exercé avant de venir ici. »

Ah. Merde. La garce. Cette fois je n'étais plus du tout à l'aise. J'empêchais d'un mouvement sec mes mains de se remettre à trembler et m'assis enfin là où elle me l'avait indiquer. Il se passa plusieurs secondes avant que je réponde. Plusieurs fois j'avais ouvert la bouche, mais la phrase que j'essayais de préparer me paraissais à chaque fois imparfaite. Merde, merde, merde. Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir lui dire ? J'étais bel et bien coincé et je frémissais à l'idée de tout lui avouer. Là, c'était sûr que c'était la fin. Elle allait m'écouter, sourire cruellement, puis me renvoyer tranquillement chez moi avec une phrase des plus acerbes. Je croisais son regard que je fuyais de suite. Alors, désespéré, je m'avouais vaincu après une inspiration vaine.

« Je... Je suis... Désolé. »

Je relevais enfin les yeux, bleus comme jamais, brillants de lassitude. Leurs contours étaient presque noirs de stress. Je déglutis en une gorge sèche et douloureuse, mes oreilles de chiot imaginaire rabattue sur mon crane. En un silence glacial j'expliquais enfin :

« Je n'ai jamais travaillé dans une prison. Je sors juste d'études de littératures. »

Je me dis que finalement c'est ce qu'elle attendait, de pouvoir me foutre dehors. Je l'ai bien vu à la seconde où je suis entré dans la pièce. J'ai bien vu ses yeux littéralement sortir de ses orbites, façon de parler, pour se poser d'une mine qui ne comprenait pas ce qu'un garçon comme moi foutait là, sur son bureau. Oh oui, qu'est-ce que je foutais là ? C'était une si longue histoire...

Directrice vénérée Messages : 42 Date d'inscription : 26/12/2012

Il l'avait dit. Ce que je pressentais tout en le redoutant venait de franchir la porte de ses lèvres.
J'allais le renvoyer. C'était mon devoir de directrice. Je ne pouvais pas me permettre de garder sous ce toit menaçant des gens qui n'étaient pas compétents pour y rester. S'il n'avait fait que des études de littérature, il allait être un véritable poids dans tout le domaine administratif, et cela serait véritablement barbant pour moi. Je n'avais pas le temps de trainer un boulet derrière moi. Mais ce n'était pas que pour cela que je devais le faire partir... C'était aussi pour le protéger. Car comment un être si pur allait-il pouvoir survivre ici ?

Je secouais désespérément la tête, faisant virevolter mes mèches chocolats.

Puis je plongeais mes yeux dans les siens, d'un bleu identique, océan contre océan. Il savait ce que je devais faire. Il savait que je ne pouvais pas le garder après cette révélation. Car non seulement, son CV était couvert de mensonges, mais en plus de cela, il devait sentir que je n'étais pas le genre de femme à avoir des états d'âme. Il savait que le malheur d'autrui m'importait peu, tant que je menais à bien la mission que je m'étais confié. Après tout, en quoi cela m'importait-il que cet homme se retrouve dehors sans emploi ? Il n'aurait qu'à en chercher un autre. Ma mission à moi, c'était d'empêcher les meurtriers de sévir. Et c'était déjà un bien lourd travail...

"Peter, te rends tu compte de ce qu'il va t'arriver ? pensais je en le fixant. Comment des yeux aussi beaux que les tiens peuvent-ils être aussi tristes ? Que vais-je faire de toi ? Que ferait mon père à ma place ?"

C'est en me posant cette dernière question que je sus ce que j'allais lui dire. Les paroles sortirent donc instinctivement de ma bouche, comme dictées par mon papa, là haut dans les cieux.

-Très bien. Alors je te souhaite la bienvenue parmi nous Peter.

La rencontre entre la femme de glace et le chien.

Elle s'était tut, n'avait rien ajouté après ma révélation, comme si elle s'y attendait depuis le début. J'avais reporté mon regard sur mes chaussures, curieusement interessantes. J'avais faillis. Je n'avais même pas de quoi me payer le billet de retour. Tout mon argent était passé dans les médicaments de ma mère. Je me sentais vidé. Tous mon stress avait disparut maintenant, seul le desespoir daignait encore m'habiter. Un étrange aura noir m'abritait. La femme en face de moi ne disait rien, ses yeux étaient figés, fixant le vide. Elle devait être en pleine reflexion. Comment lui dire de dégager sans paraitre trop grossière ? Oh, qu'elle en se donne pas la peine de réfléchir ça...

Je me levais de ma chaise, m'excusant une seconde fois, ramassant mon bloc note et remettant mon manteau. Elle ne releva toujours pas la tête, je soupirais, passant une main dans mes cheveux. Pour une fois ils étaient lisses, doux, ils sentaient bons Pensez vous, j'avais voulu me soigner pour me présenter ici. Comme dans un vieux souvenir bien désagréable, je me dirigeais vers la porte et posais ma amin sur la poignet, attendant un petit "aurevoir". Mais il n'y eut rien. Rien à part...

« Très bien. Alors je te souhaite la bienvenue parmi nous Peter. »

Rien. Rien à part la plus belle phrase que je pouvais entendre. Si bien que je mis quelques temps avant de saisir le sens de ses mots. Mais quand ils atteignirent enfin mon cerveau, je me retournais brusquement, virvoltant en ignorant les battements de mon coeut qui tentait de rompre a cloison qui le séparait de l'exterieur. J'ouvris grand la bouche, ne sachant quoi dire, pour une fois dans le bon sens du terme. Je m'approchais à petits pas, n'y croyant pas mes yeux. Non, ce n'était pas possible... J'étais... J'étais... Embauché ?

« V... Vous... Enfin... Je... Je suis le nouveau secrétaire ? »

Ma phrase était très mal formulée, et en plus mal prononcée, mais je n'en avais pour une fois rien à faire tellement j'étais heureux.

Directrice vénérée Messages : 42 Date d'inscription : 26/12/2012

Sa réaction ! Mon dieu, que sa réaction était amusante ! Et touchante en plus de cela. On avait l'impression que je venais de lui offrir le plus beau des cadeaux de noël. J'avais senti au plus profond de moi, qu'il fallait que je le retienne. Sous le coup de l'émotion, je l'avais même tutoyé...
Je n'avais pas voulu qu'il s'éloigne. Pourquoi ? Parce que c'était le seul être pur, juste, et bon, à des kilomètres à la ronde. Parce que c'était la seule personne qui n'était pas mauvaise, ou psychopathe, ou dérangé. Parce qu'il était là par devoir, parce qu'il n'avait pas le choix. Comme moi.

Je fermais les yeux, et pensais très fort à mon père :"Merci Papa. Merci de me laisser être quelqu'un de bien quelquefois"
A chaque décision importante, à chaque fois que mon cœur se mettait à frémir, j'interrogeais mon père. Il était mon guide. Et je ne me sentais jamais coupable d'appliquer les conseils que je pensais qu'il m'aurait conseillé. Car c'était pour lui que je faisais tout ça. En tenant ma promesse, je gâchais à la fois ma vie et ma vraie nature. Je m'autorisais donc parfois quelques écarts, comme aujourd'hui, comme avec lui. Et ce n'était pas fini...

Mais bon. Ce n'est pas parce que j'étais si attendrie au fond de moi qu'il fallait que je le montre à Peter. je ne laissais donc pas transparaître ma joie d'avoir accomplie cet acte, et attendis qu'il se détourne de la porte. Je ne m'étais même pas rendu compte que je m'étais levée (sans doute, inconsciemment, pour le retenir) et je me rassis donc derrière mon bureau.

-Oui vous êtes le nouveau secrétaire. Mais ne croyez pas que je vais être indulgente, parce que vous êtes nouveau, et que vous n'avez aucune expérience. Au contraire. Je vous laisse cette chance, et vous avez tout intérêt à l’attraper au vol, car il n'y aura pas de deuxième. Alors ça ne sera pas facile, ce sera même très dur, il va falloir faire des efforts chaque jour, et apprendre vite. Mais oui, vous êtes le nouveau secrétaire.

La rencontre entre la femme de glace et le chien.

« Oui vous êtes le nouveau secrétaire. Mais ne croyez pas que je vais être indulgente, parce que vous êtes nouveau, et que vous n'avez aucune expérience. Au contraire. Je vous laisse cette chance, et vous avez tout intérêt à l’attraper au vol, car il n'y aura pas de deuxième. Alors ça ne sera pas facile, ce sera même très dur, il va falloir faire des efforts chaque jour, et apprendre vite. Mais oui, vous êtes le nouveau secrétaire »

J'essuyais mes yeux brillants. J'avais presque envie de la serrer dans mes bras, mais je ne pensais pas que ça lui plairait. Je lui fis donc mon plus beau sourire, hochais la tête, la remerciais. Elle essayait de me faire peur avec toutes ses mises en garde mais j'étais trop heureux pour être effrayé. Je restais debout.

« Bien. Je commence quand ? »

Elle me répondit comme si c'était évident, un puissant "maintenant". Je n'en fus pas surpris et hochais la tête, elle m'indiqua une porte à la droite de son bureau, mais n'eut pas le temps de m'expliquer où elle menait. Le téléphone précieusement rangé sur son bureau se mit à sonner, et elle répondit sans attendre, claquant des doigts pour que je parte. J'étais vraiment un chien... Je me mord la lèvre et emprunte donc la porte.

Elle donnait sur un petit bureau en bois. Une lampe habillée d'un abat jour doré y tronait, éteinte. La pièce était donc baignée par les ténèbres, seule la fenêtre donnant sur la cour de la prison laissait entrer la lumière. Il y avait un mini salon improvisé. J'observais le cuir des divans disposés en cercle, et remarquais un drap blanc qui dépassait du dessous des coussins. J'en soulevais un, et remarquais que le canapé pouvait donc se changer en simple lit, au cas où je ferais des "heures suplémentaires" sans doute. Je plissais les yeux, m'assis à mon bureau et posais ma valisette sur celui ci. Un téléphone y était posé, branché au mur du fond. Je remarquais même une télévision des plus ancienne dans le coin d'un mur, mais je fus incapable de mettre la main sur la télécommande. Mais l'heure n'étais pas à ça.

Directrice vénérée Messages : 42 Date d'inscription : 26/12/2012

Le téléphone sonna et je m'empressais de décrocher, craignant une urgence dans la prison. Je fis signe à Peter de déguerpir dans la salle d'à côté qui était son bureau.

-Allô ?
-Nini !

Ce n'était pas une urgence... Simplement ma sœur...

-Qu'est ce qu'il y a Christie ? Tu es vraiment obligé de m'appeler quand je travaille toi ?
-Mais ça va pas du tout... Je me suis encore disputé avec Harry...
-Oh Chris... Ca va s'arranger... Tu es toute seule du coup ?
-Oui il est parti chez un pote... On s'est encore embrouillé pour une broutille

Je baissais la voix, de peur que doggy m'entende avoir une conversation si futile avec ma sœur.

-Vous vous disputez toujours pour des broutilles ! Veux tu que je t'emmène dîner quelque part ce soir, pour te changer les idées ?
-Oui, je veux bien, Nini...
-Arrêtes de m'appeler comme ça... Nina, d'accord ? pas Nini...

Je baissais encore plus la voix. Si Peter entendait ce surnom ridicule, ma réputation était fichue ! Je repris ensuite :

-Très bien, je viens te chercher ce soir et je t'emmène dîner. A tout à l'heure.
-Merci Nina, merci beaucoup. A tout à l'heure.

Puis je raccrochais. Je m'approcha du bureau de Peter. Il était calmement assis à son bureau, et paraissait perdu dans ses pensées.

-Votre bureau vous plait ? De toute façon, il n'y en a pas d'autre. J'ai une réunion très importante ce soir, à propos de la prison. Par rapport à... bref, c'est important. Donc je serais absente. Vous serez chargé de rester dans ce bureau à répondre au téléphone et à noter de quoi il s'agit, jusqu'à mon retour. Vous devrez me tenir informé de ce qui se sera passé. A mon retour, vous pourrez disposer dans votre appartement. Il est situé au sommet de la tour, à côté du mien. Des questions ? Des choses à dire ?

La rencontre entre la femme de glace et le chien.

Bien Peter. Voici le moment. Voici ton bureau. Tu es embauché, tu es vraiment embauché. Tu as enfin un travail. Dites moi que je rêve c'est trop beau ! J'avais un sourire jusqu'aux oreilles que j'essayais de refouler, de cacher. Mais en vain. J'étais trop heureux pour ça. Je passais les doigts sur les touches de la machine à écrire. Ah ben oui, évidement, ça reviendrait trop chère d'acheter un ordinateur pour un simple secrétaire. Peut m'importais. J'avais désormais la possibilité de sauver ma mère d'une mort incertaine. Foutu cancer...

J'entendais la directrice de l'autre coté du mur qui parlait au téléphone. Les murs n'étaient donc pas très épais. C'était tant mieux. J'étais curieux de nature. Et puis comme ça on ne me cacherais rien. Je pris une feuille vierge dans la pile à coté de moi et la plaçais correctement dans la machine. Je pris une petite inspiration et tapais mon nom sur le clavier. De grasses lettres noires se tracèrent sur le blanc immaculé du papier. Je souris, au moins la machine fonctionnait. Je m'étirais.

« Votre bureau vous plait ? De toute façon, il n'y en a pas d'autre. J'ai une réunion très importante ce soir, à propos de la prison. Par rapport à... bref, c'est important. Donc je serais absente. Vous serez chargé de rester dans ce bureau à répondre au téléphone et à noter de quoi il s'agit, jusqu'à mon retour. Vous devrez me tenir informé de ce qui se sera passé. A mon retour, vous pourrez disposer dans votre appartement. Il est situé au sommet de la tour, à côté du mien. Des questions ? Des choses à dire ? »

Je sursautais si violemment que je manquais de renverser les bibelots sur le bureau. Mes épaules firent un bon puis je posais ma main sur mon coeur. J'avais été si absorbé par le test de la machine à écrire que je ne l'avais même pas attendu à dire. Je levais les yeux vers elle, soufflant sur la mèche qui tombais sur mon front. Elle faisait peur tout de même... Attendez là... QUOI ?! J'allais être tout seul mon premier jour dans une prison de cinglés ?!

« P...Pardon...?! T...Tout seul...? Heu... C'est à dire que... »

Elle claqua la langue d'impatience, je baissais les yeux une seconde pour me reprendre. Je pris une ou deux inspirations je repris d'une voix plus calme et sûre.

« Heu... D'accord. Non aucunes questions... »

Je baissais les yeux vers le clavier de ma machine.

Directrice vénérée Messages : 42 Date d'inscription : 26/12/2012

Il n'avait pas l'air rassuré... En même temps il y avait de quoi. C'était son premier jour et je le laissais déjà tout seul. Mais je n’avais pas vraiment le choix. Même si je détestais prétexter une réunion alors que j'allais au restaurant avec ma sœur, c'était pour la bonne cause : Elle avait besoin de moi. Elle avait toujours besoin de moi. Elle n'avait plus que moi. Nous n'étions plus que trois trois enfants perdus. Et j'étais l'aînée ! C'était donc mon rôle de veiller sur eux... Mon rôle de veiller sur ma famille... Ce qu'il me restait de famille...

Mais j'aurais voulu moi aussi me reposer sur quelqu'un. J'aurais voulu pouvoir pleurer dans les bras d'un être tendre, afin de me faire consoler, chouchouter ! Moi aussi j’aimerais qu'on m'emmène au restaurant, pour me faire rire et me distraire... Mais je n'en avais pas la possibilité. Je n'en avais pas le droit. J'avais une mission, une promesse à tenir. On e pouvait pas être volage et frivole quand on devait tenir une promesse aussi sérieuse. Papa compte sur moi.

Je repensais au sang. A tout ce sang sur le visage doux de mon père. Je repensais à ses traits tirés par la douleur, à sa bouche fermée pour s'empêcher d'hurler. Je repensais aux coups d’œil terrifiés qu'il jetait au cœur prostrée de ma mère, horrifié qu'elle ne bouge plus. Je repensais à mes larmes et aux siennes, se mêlant au sol qui coulait sur le carrelage de la cuisine.

Alors je tombais. Je me recroquevillais à mon tour par terre, sur la moquette de ce bureau. Je ramenais mes genoux vers moi comme pour me protéger et je commençais à gémir de douleur en serrant fort mes bras contre moi. Dès que mes souvenirs me submergeaient, il m'arrivait d'avoir ces sortes de crise, d'angoisse ou de douleur, et je ne pouvais m'empêcher de me faire toute petite comme pour me protéger du vent de douleur qui me balayait. Il fallait m'aider... Je sentais des larmes qui coulaient sur mes joues, et je ne pouvais les retenir. Je me comportais comme une enfant, mais je ne contrôlais plus rien dans ces moments là...

La rencontre entre la femme de glace et le chien.

C'est alors qu'elle tomba au sol, comme brisée, secouée de tremblements. Je me levais d'un bon en la voyant tomber et contournais avec rapidité mon bureau pour pouvoir la rejoindre. Je m'agenouillais en vitesse, ignorant le crissement de mon pantalon contre le plancher. Mon coeur battait à toute allure. Elle faisait un malaise là ou je rêve ?! Devant mes yeux ! Mais pourquoi ? Je pris vite son pouls. Son coeur battait aussi vite que le miens, c'était mauvais signe.

« M...Madame ! Euh... Madame Hardness ! »

Bon j'étais complètement déboussolé, j'essayais de lui faire de l'air, sans vraiment avoir quoi faire. Ça me rappela la scène avec ma mère que j'avais retrouvée un matin inerte sur son lit. Cette vision me fit mal, très mal au coeur. Je serrais les dents en entendant les sorte de sanglots de la directrice. J'étais un peu hébété, ne savait pas quoi faire. Enfaite je tombais de haut. La directrice qui m'avait parut si forte, si hautaine fondait en larme sur le tapis de la pièce à a manière d'une enfant. Je la fixais longuement et posais ma main sur son épaule. Elle n'avait pas besoin de mon aide, mais c'est tout ce que je pouvais faire.

« Madame.... V...Vous...Vous vous sentez bien ? »

Ma voix était mal assurée et hésitante, je ne savais pas ce qui pourrais la soulager. Enfaite je crois que si ça continuais j'allais moi même faire un malaise. Je soupirais. Calmes toi Peter.... Je pris doucement la main de la directrice pour la ramener à la réalité, le geste parfait qui la fit rouvrir les yeux, calmement.

« Madame Hardness... »

Je fis une mine inquiète.

Directrice vénérée Messages : 42 Date d'inscription : 26/12/2012

« Madame Hardness... »

J'ouvrais les yeux, plongeant dans les siens d'un bleu parfait. Je m'y plongeais comme pour mieux me soulageait. Je respirais calmement et je ne laissais plus les idées morbides me traverser l'esprit. Je me concentrais seulement sur ce bleu intense, ce bleu océan, et cette main tiède qui serrait la mienne. Un peu de chaleur humaine qui me manquait depuis si longtemps. Je m'isolais du monde par fierté mais je m'y blessais moi même. J'étais maintenant calmé, mais toujours faible. Je n'avais pas la force ni l'envie de me comporter cruellement maintenant avec Peter, alors qu'il avait eu la bonté malgré ma cruauté de s'inquiéter pour moi. Je lui fis un petit sourire et lui murmurais :

" Merci, Peter. Et excusez moi, j'ai eu un... léger souci. Je vous revaudrais ça."

Je me levais de la façon la plus digne que je pouvais (ce qui n'était pas évident, étant prostrée comme une enfant par terre". Je me précipitais ensuite vers la porte, et sortis de cet enfer, dont le seul ange était Peter.

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